Margaret Mitchell (née en 1968) est une photographe écossaise de Glasgow qui travaille principalement le portrait. Chez elle, le portrait a une portée non seulement intime, mais surtout sociale, qui interroge quant aux choix que l’environnement dans lequel nous vivons nous impose ou empêche de faire. Le travail de Mitchell est puissant aussi parce qu’elle parle de sa propre famille. Dans ses deux séries les plus connues, Family (1994) et In This Place (2016-17), elle décrit la vie des trois enfants de sa soeur, mère célibataire et vivant dans une partie très défavorisée de la ville. En vingt ans, les enfants sont devenus adultes, ont eu des enfants à leur tour, ont déménagé, mais leur vie n’a pas changé.
Malgré tout l’amour de leur mère, décédée depuis, les soins et l’attention reçus pendant leur enfance et adolescence, les difficultés socio-économiques dans lesquelles Steven, Kellie et Chick ont grandi, le quartier qui les a vu évoluer, ont limité drastiquement et presque prédéterminé leurs choix de vie, et les ont stigmatisés aux yeux de la société. Grandir dans le béton, les privations, les frustrations, n’aide pas à avoir des rêves d’avenir. Les possibilité que la société offre dans ces cas sont minimes, d’un point de vue professionnel et social.
Comme le constate amèrement Margaret Mitchell elle-même dans une interview, « Socialement et économiquement, ils n’avaient pas beaucoup bougé et, une fois devenus adultes, ils étaient le produit de tout ce qu’ils avaient vécu auparavant » (1).
La série plus ancienne, Family, présente des instants de vie quotidienne, des moments de tendresse, des disputes, des jeux, essentiellement en intérieur, dans l’appartement que la famille occupe. On voit les enfants rire, pleurer, jouer, avec leur mère en toile de fond. On voit le désordre, les objets, les meubles et les vêtements bon marché. L’ambiance est joyeuse et confuse à la fois, d’où se dégage une sensation de précarité, de provisoire. Les jouets qu’on devine facilement cassables, les meubles peu solides, témoignent de l’instabilité économique et sociale, de l’angoisse presque palpable d’une possible dégringolade. Vivre dans la précarité signifie ne pas pouvoir faire confiance à ses possibilité d’avenir, à vivre avec l’inquiétude constante que le lendemain soit pire qu’aujourd’hui. C’est une situation dans laquelle le fait de tenir, ne pas tomber, est le combat quotidien. Même si on la voit pas, on ressent la douleur de cette mère qui, malgré tous ses efforts et tout l’amour qu’elle donne à ses enfants, ne peut pas leur offrir un avenir meilleur.
Les photos de famille de Mitchell nous mettent face à cette réalité dérangeante, à ce stress, ce désordre, ce manque de sécurité qui est pourtant une des bases de nos vies à nous.

M. Mitchell, Steven (Family)

M. Mitchell, Chick (Family)

Margaret MItchell, Family
Et celui qui devait être un travail photographique presque intimiste, témoin d’une réalité familiale difficile, prend une tout autre ampleur avec la deuxième série, In This Place, de vingt ans postérieure, qui n’avait pas été prévue au moment de la réalisation de Family, mais qui en est la suite logique par la force des choses.
Cette deuxième série est très différente. Il s’agit de portraits pris souvent à l’extérieur. Il ne s’agit plus de scènes de vie quotidienne, mais de la prise de conscience d’une situation qui n’a pas changé. Dans cette série, Steven, Kellie et Chick sont seuls dans la rue, dans leur appartement, dans leur quartier, qui n’est plus le même mais qu’on devine quasiment identique au précédent, entouré de murs d’enceinte et de bâtiments hauts. Personne ne sourit. On ressent davantage l’enfermement dans lequel la société a condamné les enfants devenus adultes. Et on voit leurs propres enfants suivre le même chemin forcé.

M. Mitchell, Chick et sa fille Leah (In This Place)
On a l’impression qu’on ne peut pas sortir de ces rues, ces bâtiments tristes et délabrés, de ces terrains vagues, de ces pelouses malades. C’est une zone grise dans laquelle les gens sont emprisonnés, comme dans la cour d’une prison. Car en effet, ces quartiers sont des prisons sans barbelés, d’où on a l’illusion de pouvoir sortir, mais où en réalité tout semble mis en place pour empêcher de le faire.

M. Mitchell, Liam, un des deux fils de Steven (In This Place)
Comme l’affirme Margaret Mitchell, « In This Place raises questions about choice—do we have choices in life, or are some predetermined and made for us? Where a ‘place’ becomes both mental and physical; a place we put ourselves and where we are put, sometimes by others and sometimes by circumstance. Being told what we can and cannot do, what we can and cannot achieve » (https://margaretmitchell.co.uk/in-this-place).

Margaret Mitchell, Steven (In This Place))

M. MItchell, Kellie (In This Place)
Derrière la patine du libre choix se cache la vérité : entre quoi et quoi on a la possibilité (la chance) de choisir?
Avec ces deux séries parallèles, Mitchell met à mal nos idées rassurantes sur l’équité des opportunités, qui nous disent que du moment qu’on travaille dur, on peut s’en sortir. C’est faux : ce qu’on appelle la mobilité sociale n’existe désormais que pour de rares exceptions. Selon une étude de l’OCDE, aujourd’hui en France il faut six générations, soit 180 ans, pour qu’un enfant issu d’une famille pauvre arrive à atteindre le revenu moyen (https://www.oecd.org/fr/els/soc/inegalite-et-pauvrete.htm). Et on peut facilement imaginer que la situation est bien pire chez les filles.
Personne ne choisit d’être pauvre, de vivre dans cette précarité économique et sociale, dans ces quartiers gris. Si Steven, Kellie et Chick avaient eu le choix, l’opportunité de faire autre chose, il.elles l’auraient fait. La pauvreté n’est pas une faute, c’est une condamnation profondément injuste.
7 Commentaires
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