Mon parcours en photographie

Mon parcours en photographie a commencé en 2011. Plusieurs raison ont été à la base de cette décision, et aucune ne concernait la photo en elle-même!

J’ai toujours senti avoir l’esprit artistique, j’ai toujours aimé écrire par exemple, mais je n’avais jamais pris des cours d’art. C’était comme une arrière pensée, une occasion perdue. Et puis ça valait encore la peine après quarante ans de se lancer dans quelque chose de nouveau? Ce n’était pas trop tard?

J’ai décidé que non.

En plus, c’était le bon moment pour moi : j’étais nouvellement séparée, avec un grand besoin de m’occuper les mains et l’esprit, j’avais toutes mes soirées libres, les enfants assez grands pour se garder seuls, je souhaitais rencontrer de nouvelles personnes, et apprendre quelque chose qui me donne satisfaction assez rapidement. Il me fallait donc une discipline qui me permette de réunir toutes ces exigences…

L’écriture? Trop solitaire, je voulais rencontrer des gens. Le dessin ou la peinture? Je ne me sentais pas assez douée pour apprendre rapidement. La musique? Même constat, et j’en avais déjà fait pendant mon adolescence, je voulais quelque chose de nouveau. Le théâtre? J’ai un accent italien très prononcé, et je ne suis pas trop à l’aise dans des groupes. La sculpture? Trop de matériel, difficile de faire ça en dehors du lieu de cours. La photographie alors? Hum hum… ben on dirait que ça pourrait marcher… des cours du soir en académie, une ou deux fois par semaine, une partie du travail à faire en dehors du cours (les photos justement), une activité solitaire mais avec des échanges possibles avec les autres étudiants, pas trop de matos, des résultats rapides, peut-être pas de grande qualité, mais vite tangibles. En plus, je ne connaissais rien en photographie, je ne pouvais citer aucun.e photographe connu, alors que bien sûr je pouvais citer des dizaines d’écrivain.e.s, de peintres, sculpteurs, compositeurs et musicien.ne.s en tout genre. De l’appareil photo, je savais seulement qu’il fallait regarder dans un viseur et pousser sur un bouton. Point barre. D’ailleurs, je ne possédais pas d’appareil photo. Vraiment un terrain en friches. Tout un univers à découvrir. Miam!

Pour être sûre de mon choix, fait entièrement sur le papier, presque en cochant des cases, comme dans des sites de rencontres, je me suis inscrite à un stage d’été aux Beaux Arts, de la durée d’une semaine, matin et après-midi.

Le professeur était Satoru Toma, photographe et calligraphe japonais vivant à Bruxelles. En fait, il ne le saura jamais, mais c’est grâce à lui que mon parcours en photographie a commencé et  qu’il continue toujours, dix ans plus tard.

C’était mon premier été seule. Une fois les enfants partis en vacances, j’avais beaucoup d’heures à meubler et personne avec qui les partager. Et il faisait beau. Et je suis du genre à rester à la maison si je n’ai pas de raison de sortir, je ne flâne pas. Mais j’avais besoin de sortir, de parler à quelqu’un. Ce stage tombait à pic.

J’ai donc emprunté le petit appareil digital à ma fille, très basique et facile à utiliser, et me voilà au stage. Les autres avaient tous.tes de grands appareils, avec de longs et larges objectifs, très impressionnants. Le mien tenait en poche. Mais bon. L’idée était d’aller prendre des photos en ville durant la matinée, et les analyser l’après-midi. Il y avait un projecteur qui permettait de les regarder en grand, c’était cool.

Je n’aurais jamais osé me promener seule pour prendre des photos, c’est quelque chose qui me gêne encore aujourd’hui. Mais en groupe, c’est beaucoup plus facile, je suis une étudiante en photo parmi d’autres. Avec un prof qui nous suit.

J’ai pris de photos des détail urbains, des fils électriques, des tâches. J’ai remarqué que, tout en étant eu mêmes endroits, chacun.e de nous choisissait des points de vue complètement différents. Sur mes images, il n’y a jamais personne. Prendre les gens en photo me gêne trop, je dois toujours faire un très grand effort pour oser. Du coup, je le fais rarement (si vous voyez des gens sur mes photos, en général, c’est moi!).

À la fin de la semaine, on a fait une projection publique, c’était très sympa.

Ce stage ne m’a pas appris à prendre des photos correctes, c’est trop demander en une semaine, mais il m’a appris à aimer prendre des photos, à regarder, à éprouver cette espèce de transe photographique qui consiste à ne plus rien voir et rien entendre autour de moi quand je me concentre pour prendre une photo, être dans une sorte de nuage (dans le masterclass du MEP donné en ligne le 4 mars 2021, Raymond Depardon a dit : « Le photographe n’est pas dans le moment présent, alors qu’il photographie le moment présent. C’est le paradoxe ». Je suis tellement d’accord!).

Forte de cette expérience, je me suis inscrite à une académie pas loin de chez moi, facile à atteindre en métro. Je connais ma paresse, et je sais que jamais je n’aurai tenu un cours qui se donne de l’autre côté de la vile, surtout en hiver. https://aca-etterbeek.be/

Et là, oh surprise! je découvre que dans cette académie on fait de l’argentique! Un territoire encore plus inconnu! Du coup j’ai exhumé un vieil appareil photo qui dormait à la cave, pour très vite en acheter un autre, complètement manuel, mon Minolta des années ’70 d’occasion à 50€, sans zoom, sans flash, avec un seul objectif standard. Je l’utilise toujours. J’aime cet objet, vraiment, il me suit depuis dix ans, j’ai de l’affection pour lui, pour bizarre que cela puisse paraître!

J’ai eu la chance de tomber dans une chouette année, avec un chouette groupe et un chouette professeur, Paul Fumière. J’ai donc commencé à prendre des photos, des dizaines, très vite des centaines. J’ai trouvé complètement magique de voir l’image se matérialiser peu à peu sur le papier photo plongé dans le révélateur! J’ai commencé à aller à des expos, à regarder et étudier le travail des grand.e.s photographes.

Je suis trop timide pour la photo de rue avec des personnes, mais j’aime bien les détails urbains qui deviennent des formes un peu abstraites. J’ai récupéré un grand miroir et j’ai commencé à me prendre en photo, dans le miroir. Et puis sans miroir, avec un déclencheur souple.

Par contre, comprendre le calcul du rapport entre quantité de lumière et durée de l’exposition, ainsi que le concept de zone de netteté, et tout ce qui est plus technique a été et est toujours un vrai challenge pour moi. Je ne suis vraiment pas douée là dedans. Dès que je pense à des chiffres, c’est le blanc dans ma tête. Je ne sais pas calculer, en vérité. J’ai nagé dans le vague pendant des années. Avec le temps, j’ai appris à régler mon appareil selon la quantité de lumière ambiante, sans faire de calculs. Mon savoir est empirique, sensible. Mon cerveau dyslexique n’acceptera jamais de comprendre (pas savoir, comprendre) ce que c’est qu’une focale.

Au delà des images réalisées, l’argentique m’apprend beaucoup de choses : il m’apprend cette sorte de patience qui consiste à ne pas tout vouloir tout de suite, que chaque chose a besoin de son temps pour être prête, mûre, et vouloir forcer cette temporalité comporte le risque de tout faire foirer. Le papier doit rester un temps déterminé dans les différents bains, ça ne sert à rien de vouloir aller plus vite.

Il m’apprend que l’échec est normal, que si sur un film de 36 poses il y en a deux qui sont bonnes et les autres à jeter je peux être contente. Avoir deux photos viables sur 36 est déjà une moyenne pas mal, car on ne peux pas tout bien faire tout le temps.

J’apprends à accepter mes limites, que je ne maîtriserai jamais la technique alors que pour d’autres c’est une chose très simple, basique, que mes images ne seront jamais parfaites.

J’apprends à choisir, parfois douloureusement, accepter qu’une photo pour laquelle j’ai tout donné n’est pas terrible, alors qu’une autre que j’ai fait sans trop y penser est la bonne, à accepter qu’une photo que j’aime ne cadre pas avec l’ensemble, et je dois l’éliminer de la sélection. En d’autres termes, j’apprends à mettre mon ego de côté pour essayer d’avoir un regard objectif sur mes images et donc sur moi-même.

Mon parcours en photographie devient un parcours de vie.

(Toutes les photos de cet article sont bien sûr de moi! :))

À suivre ici  https://mycurcumadays.com/2021/05/15/mon-parcours-en-photographie-suite/