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Anne Brigman

Je ne connaissais pas la photographe américaine Anne Brigman (1869-1950), je l’ai découverte par les hasards de Facebook il y a peu, et, wow, elle est éblouissante! Sa biographie aussi, d’ailleurs. Toute sa vie et son oeuvre témoignent d’une volonté de libération personnelle en tant que femme dans une société dominée par les hommes, et victorienne, qui plus est.

Durant sa longue vie (81 ans), elle a eu une présence de premier plan sur la scène artistique de son époque : membre fondatrice du mouvement Photo Secession (groupe de photographes pictorialistes qui encouragent la manipulation de l’image avec des surimpressions, des retouches dessinées, afin que le.a photographe exprime sa vision subjective du monde), randonneuse passionnée, poète (elle publie un recueil de poèmes et photos, Songs of a Pagan, peu avant sa mort), fondatrice d’une école de photographie, voyageuse… La photographie de Anne Brigman a beaucoup évolué au fil du temps (elle est active dans ce domaine jusqu’aux années 1940, malgré sa vue déclinante), pour arriver à des paysages presque abstraits.

Pendant la période 1900-1920, elle réalise ses photos de nus féminins, avec, comme modèles, elle-même ou des personnes proches (sa soeur, des amies). Ces photos, qui sont les plus connues de sa production, sont très puissantes, encore aujourd’hui. Les nus de Brigman ne sont pas des portraits ou des autoportraits qui parlent de la personne photographiée, de ses émotions, de son histoire, de sa relation au monde, non, ce sont des corps mis en scène dans un contexte naturel, dans des postures théâtralisées. Le visage est toujours au moins partiellement caché, on ne voit pas les yeux, il n’y a donc pas d’expression. Ce sont comme des statues, des déesses païennes ou leurs prêtresses, qui font un avec la nature.

Anne Brigman, Via Dolorosa

Anne Brigman

Le corps humain fait partie de cette nature sauvage au même titre que les arbres dans lesquels il se niche jusqu’à en faire presque partie, ou la rivière sur laquelle il se penche. Peu importe donc le modèle, le corps est impersonnel, intemporel, neutre. Il est traité comme un objet, mais pas de façon sexuelle, il est partie intégrante d’un paysage construit, au même titre que les arbres, l’eau, les rochers.

Nous savons que la plupart de ces photo ont été prises dans la Sierra Nevada, mais au fond peu importe le lieu, il n’est pas reconnaissable : un arbre reste un arbre, une rivière, une rivière, tout comme un corps humain reste un corps humain, sans compter que des retouches ont été faites sur la photo ou le négatif directement, dans le but d’augmenter le caractère pictural de l’image. C’est ce traitement commun au paysage et à l’humain, cette dépersonnalisation qui fait la force de ces photographies : le sujet dénué de ses caractères personnels devient universel, devient symbole.

Anne Brigman est la muse d’elle-même : elle utilise son corps, ou un corps, pour exprimer des choses qui vont au delà de soi, de sa personne, de son vécu personnel. Cette objectification n’est pas fin à soi, mais c’est un moyen pour exprimer autre chose, avec une visée symbolique. Avec son oeuvre, la photographe propose une vision subjective du monde, des thèmes qui lui sont chers, pas un repli narcissique sur sa propre personne.

Anne Brigman

Anne Brigman

 

Ses autoportraits ne sont donc pas des autoportraits à proprement parler, le corps n’est pas un objet purement esthétique pour faire de jolies photos ou célébrer une supposée beauté, mais un matériau brute, que l’artiste utilise à ses fins. C’est le concept de lutte que Anne Brigman exprime à travers ses images, les arbres tordus, les eaux impétueuses, le corps aussi tordu pour épouser la forme de l’arbre, ou les bras levés, dans une attitude conquérante face à la puissance sauvage de la montagne, ou dans une attitude d’offrande et de prière païenne aux forces de la nature.

Cette lutte, que l’artiste vit au jour le jour et que ses oeuvres symbolisent, est celle d’une femme qui veut vivre et s’exprimer en tant que personne indépendante, bisexuelle, divorcée et libre. Cette force de tempête qu’on ressent sur les photos est celle dont elle a quotidiennement besoin pour s’échapper à son destin tout tracé de femme bourgeoise victorienne pour évoluer et s’affirmer dans une société qui fait tout pour l’en empêcher.

Anne Brigman

 

Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Brigman

Anne Brigman: A Visionary in Modern Photography (vidéo youtube)

https://awarewomenartists.com/artiste/anne-brigman/?from=search

https://www.lemonde.fr/blog/lunettesrouges/2020/05/24/anne-brigman-une-icone-feministe/

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